Au départ de Paris, Lyon ou Chambéry, ce périple italien vous conduira vaillamment jusqu’à l’île aux Trois Pointes. En traversant le détroit de Messine, resterez-vous dans votre compartiment ou irez-vous siroter un cappuccino sur le pont ?
Fin octobre 2022. L’automne est déjà entamé dans mon camp de base savoyard, quand une envie de soleil, de Méditerranée et d’arancini m’appelle. Il est temps pour moi de réaliser un rêve formé avant le confinement : rejoindre la plus grande île méditerranéenne par le rail. Oui, vous avez bien lu… Le train emprunte un « ferry ferré », une rareté encore en activité, les projets de ponts et de tunnels n’ayant jamais abouti.
L’appli Trenitalia : un must pour dégoter les bons tarifs
Cette curiosité découverte lors des recherches conduites pour mon livre Slow Train, avait immédiatement rejoint ma to do list de voyages. Un certain virus ayant contrarié mes plans initiaux, j’embarque deux ans plus tard, pour ce périple un peu fou : La Sicile ? En train ? Mais.. c’est une île !! Pour préparer notre voyage, je suis les précieux conseils de Lucie Tournebize, sur son blog « L’Occhio di Lucie ». Cette journaliste française a publié un joli livre proposant des itinéraires ferrés en Italie, où elle habite. J’ai appris grâce à elle que les trains de nuits italiens sont nombreux et abordables. Et que les moins de 15 ans bénéficient de belles réductions sur les trains italiens classiques « Intercity » et Régionaux.
Le trajet coûtera moins qu’une chambre d’hôtel milanaise.
Toujours sur ses conseils, je charge l’appli Trenitalia qui propose un panel de réductions introuvables ailleurs (enfants, duo, petits groupes…). J’y déniche à 6 semaines du départ des billets Milan-Syracuse (Sicile) au tarif « super économy » (non remboursables, ni échangeables) de 80 € pour moi, et… 58 € pour ma pré-ado de fille. Le tout en Vagone Letto Deluxe, à savoir : deux cabines single communicantes avec coin lavabo perso, petit déj’ léger et « Corriere della Sera » inclus. Un luxe apprécié sachant que le trajet est prévu pour durer…
20 h à bord de l’Intercity Notte 1963
Le jour J, après une première étape Chambéry – Milan de trois heures en Frecciarossa (les TGV rouges de Trenitalia), et une jolie après-midi dans la capitale de la mode italienne, l’Intercity Notte 1963 quitte pile à l’heure la gare monumentale de Milano Centrale, peu après 20 H. Les couchettes sont confortables, les lits faits, un snack et un verre de Prosecco de bienvenue me sont servis en même temps que la prise de commande de notre petit-déjeuner.
C’est parti pour une sacrée virée : notre train arrivera à son terminus Syracuse, Sicile, à… 15h48 (plutôt 16 h 15 au final). Soit plus de 20 h à bord ! Le temps de prendre son temps justement, et d’en profiter pour potasser mon guide de voyage, bouquiner, regarder un film (à télécharger au préalable, il n’y a pas de wifi à bord et la 4G était faiblarde dans le Sud de l’Italie).
Au réveil, après une bonne nuit passée dans notre Letto Deluxe, le soleil brille déjà haut sur la côte calabraise, que notre convoi ne quitte pas. Un café m’est servi, avec un petit jus et de quoi faire quelques tartines de confiture. Je passe la matinée à rêvasser face à ma fenêtre : un palmier par ci, une plage par là, quand vers midi, le moment de la traversée arrive, annoncé par un ralentissement, un arrêt complet et les échanges des cheminots. De chaque côté de notre train, ils sont concentrés sur le démontage de notre train en plusieurs parties qui s’engouffreront bientôt dans ce que j’appellerai un « ferry ferré » : un bateau équipé de rails. On commence à sentir le roulis dans nos cabines (étrange sensation) quand on se décide à sortir du train pour rejoindre le pont supérieur du bateau.
En haut des escaliers, nous sommes saisies par la vue à 360 degrés sur le détroit de Messine. la côte sicilienne n’est qu’à quelques kilomètres.
Au café du bateau, nous nous offrons un cappucino et notre première arancino, une boule de riz fourrée au fromage, aux légumes ou à la viande que l’on trouve à tous les coins de rue en Sicile. A peine la dernière bouchée avalée, on accoste et il faut déjà rejoindre le train. La traversée est courte, une petite demi-heure, mais elle restera gravée dans ma mémoire. L’ensemble de l’opération se déroule en une bonne heure, le temps de décrocher et de raccrocher les wagons dans les deux gares côtières. Le train reprend ensuite sa route, longeant non stop la côte sicilienne vers le Sud, la mer étincelante d’un côté, l’Etna fumant de l’autre, sans que nous voyions passer les trois heures nécessaires pour rallier Syracuse à vitesse moyenne, en passant par Catane (point de départ de fantastiques randonnées volcaniques), ou encore Taormina Giardini, station balnéaire jet set immortalisée par Luc Besson dans le Grand Bleu. L’été est encore là… À nous Syracuse !
Milan – Syracuse en train : Pourquoi ça vaut le coup ?
1- Parce que c’est en soi une aventure de traverser l’Italie de nuit et de jour, de voir le paysage changer des sapins aux orangers. Les compartiments et les sanitaires sont propres, le personnel à bord est plus présent qu’en France. Il y a des prises individuelles (mais pas de wifi et une 4G poussive par endroits).
2 – Parce que s’endormir bercé par le doux roulis du rail et se réveiller à destination signifie des émissions carbone et une nuit d’hôtel économisées : le voyage pour deux (dont un enfant) revenait moins cher (fin octobre) qu’une nuit à Milan, où le prix du logement atteint des sommets.
3- Parce qu’à Syracuse nul besoin de voiture : une vingtaine de minutes à pied permettent de rejoindre Ortigia, le quartier historique de Syracuse, où les elles sont quasiment bannies.
A vot’ bon ❣️ Ce blog n’est pas sponsorisé. Pour rémunérer mon travail, la seule option, c’est d’acheter mon livre Slow Train, sur lequel je touche des droits d’auteur 🙏🏼
EN PRATIQUE
- Plusieurs trains quotidiens SNCF et Trenitalia circulent entre Paris & Milan marquant l’arrêt à Lyon, Chambéry, Modane et Turin. Attenzione : cette liaison ferroviaire est coupée jusqu’à l’été 2024 suite à l’éboulement en Maurienne sur les voies. En train, passer par la Suisse ou par Nice, ou par la route (covoiturages nombreux, cars…) jusqu’à son rétablissement complet.
- InterCity Notte 1963 Milan-Syracuse tous les soirs. Départ aux alentours de 20 H, arrivée à destination un peu avant 16 H le lendemain. Une autre solution plus rapide existe avec un changement à Rome aux alentours de 22 H 30, pour arriver à Syracuse en fin de matinée (15 H de voyage)
- de nombreux arrêts intermédiaires pour planifier des escales : dont Gênes, Pise, Salerne (au sud de la côte amalfitaine)
- Sur place : correspondances pour Noto depuis Syracuse, la ligne Circcumetnea depuis Catane…
- Vélos : acceptés sans supplément (démontés et dans une housse)
- A partir d’une cinquantaine d’€ l’aller en couchette (compartiment de 4, possibilité de compartiment femmes, et 80 € en Vagone Letto Deluxe (p’tit déj et bouteille d’eau inclus dans toutes les classes)